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Bio

Marine Chevanse est plasticienne et auteure. Diplômée de Léonard de Vinci en Céramique (2014),
de l’École Nationale Supérieure d’Art de Limoges (2015) et de la Haute École des Arts du Rhin (2018),
elle vit et travaille à Strasbourg.

Son travail révèle les gestes et les récits des êtres à la marge – qu’il s’agisse du milieu maritime
ou du milieu sportif. En utilisant l’immersion comme processus de recherche, elle appréhende
un environnement, expérimente les énergies individuelles et collectives, les points de rupture
et les manières d’habiter ces territoires afin de relever leurs enjeux sociologiques.
Avec une attention particulière portée à l’outil et au corps en mouvement, elle développe
des installations, un travail sculptural et pictural.

Ses recherches ont notamment été accueillies au Centre d’Art Eleven Steens (Bruxelles),
au salon Révélations, à la Mairie du IXe et du XVIIIe lors de la Nuit Blanche (Paris), au Magasin
des Horizons - Centre National d’Art Contemporain (Grenoble), au FRAC Alsace (Sélestat), 
à l’association 47-2 (Cosne-sur-Loire) et à Talente (Munich).





Texte de Clara Denidet,
à propos de l’exposition personnelle Héritières,
présentée à l’association 47-2 du 25 novembre 2022 au 15 janvier 2023.


Il fallait d’abord sauter dans le bain.
Comme ré-inventer la roue ou le feu,
faire des tambouilles épaisses, ouatées.
Faire l’expérience des cuisines
anciennes, des boues millénaires, de la
pâte à papier. Y mettre les mains pour se
souvenir de choses probablement jamais
sues, peut-être entendues, mais où ?
Et de qui déjà ?
Je me souviens pourtant. Répéter
inlassablement les gestes, les répéter
assez pour les oublier enfin, pour
oublier que les mains font se ules.
Qu’elles s’en débrouilleront. Que
d’autres peut-être les guident déjà.
À ce moment semble t-il, affleurent
à la surface de l’eau cette matière filante
qui fait se souvenir.

Soleil en juillet. La pulpe décante dans
les bacs en plastique. Repos des pots
parfaits, bouillie bleue et verte.
À l’air qui nous parvient, sèchent
de grandes nappes, proches de celles
que d’autres ont gardé pour les
jours importants, pliées serrées dans
l’obscurité des armoires. Celles que
l’artiste fabrique ici sont faites de
dizaines de feuilles assemblées les unes
aux autres, pressées fort sous la maille
des tamis.
À la lumière enfin, on en distingue les
couches et les épaisseurs, l’irrégularité
des gestes renouvelés, cherchant
encore. L’assemblage, l’accollement.
Comme plus loin, entre les lignes
d’une lettre non-écrite mais tissée
de fils, il faut ré-apprendre à lire.

À la manière qu’elle a de tordre ce dont
elle se rappelle, de faire de tendres
rapprochements, Marine Chevanse
dresse ici une table rêvée.
Elle cordelle comme on brodait avant
les initiales d’invité·es fantômes
vivant·es et mort·es, qu’elle convie
à mâcher pareil pierres, cire, verres et papier. 
Au-dessus s’éclairent des pulpes aux
couleurs vives et des portraits veillent :
Atatxi* en chemise et l’artiste en reflet.
Elle prête l’oreille à ce qui se dirait 
précisément là, dans ces moments de
repas inventés comme dans les mots
qu’on se confie tard dans la nuit.
Ça fait des échos infinis
et des bruits de vagues.



*grand-père en langue basque






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